Le chapiteau

Chaque spectacle engendre une nouvelle scénographie, forcément lourde et coûteuse. Emmener quarante-cinq chevaux en avion à Hong Kong ou à Los Angeles ; monter notre chapiteau à Manhattan au pied des tours jumelles aujourd’hui disparues ; s’installer, sur les traces d’Andreï Roublev dans le parc Kolomenskaya à Moscou ; jouer à Tokyo dans un théâtre de deux mille places aux normes antisismiques construit pour nous accueillir, et démonté juste après …

UNE VRAIE TÉMÉRITÉ

“Ce sont des risques financiers considérables qui nous font dire que non, Zingaro n’est décidément pas une aventure rai­sonnable. Je la dirais plus héroïque encore qu’à nos débuts, quand je vois aujourd’hui les monteurs hisser la toile brune de notre gigantesque cha­piteau à quatre mâts aux prises avec le vent et la pluie comme des marins dans la tempête.
On essaie de ne pas y penser tous les jours mais il y a une vraie témérité, aujourd’hui encore, à bâtir une telle aventure sur une chose aussi fragile que l’intérêt du public pour notre travail. Les goûts, les modes, le rapport au spectacle vivant peuvent changer. Les risques financiers que nous prenons à chaque spectacle sont parfois angoissants, ils reposent sur une seule chose : la confiance dans l’esprit de découverte de dizaines et dizaines de milliers de spectateurs qui viennent et reviennent nous voir.
Aussi, en vingt-cinq ans, nous nous sommes attachés à ne pas oublier le public au moment de la conception de nos spectacles, à veiller à la fois à le surprendre et à le faire accéder, à son rythme, à des formes plus élaborées, voire plus difficiles.”
Bartabas, extrait du Manifeste pour la vie d’artiste, Éditions Autrement, 2012.

LA PISTE

LA PISTE

“Si les contraintes de mon métier m’obligent à rencontrer le monde extérieur, il reste que mon rythme intérieur est celui de la piste. Là, le temps ne s’égrène pas, il tourne, à l’infini, cadran d’une montre qui ne dit rien des mois et des années, revenant sans cesse lors de chaque nouvelle création à son point de départ sans qu’apparemment rien ni personne ne vieillisse.
Dès lors, dans ce cercle, ni les artistes ni les chevaux de Zingaro n’ont d’âge. Du moins, je ne le connais pas. Tous sont souvent là pour longtemps. Voilà le mot : longtemps. Il est suffisant pour vivre et qualifier notre entreprise.
À Zingaro, ni les hommes ni les chevaux ne sont engagés pour une durée donnée. Ici et maintenant, ils vivent leur histoire commune autant qu’ils le souhaitent. Autant qu’ils le peuvent. Le temps, ici, n’est jamais un couperet, c’est un simple écrin pour créer.”
Bartabas, extrait de l’Almanach Zingaro, Éditions Actes Sud, 2014.

©Antoine Poupel